L'eau bénite ...
rideau
Les colis constituent les messages du monde civilisé. On leur demande beaucoup. D'eux seuls va dépendre la possibilité de sortir de cette île perdue. Ce sont de véritables gages de santé, de sollicitude, d'affection. Ils apportent, outre les aliments, des chances de s'instruire et des  chances de s'évader.
Mais avant de s'évader réellement, le lieutenant P... aurait aimé pouvoir trouver le soir quelques passagères évasions, grâce à un peu d'eau-de-vie, spécialité réputée de son pays, malheureusement totalement interdite dans les camps de prisonniers. Il a écrit à sa femme : Tu sais qu'on pratique beaucoup dans les camps. Je suis devenu assez pieux. J'ai même soif de piété, alors envoie-moi donc une bonne bouteille d'eau bénite. Ses camarades de chambre étaient au courant.
Et tu crois qu'elle va comprendre ? T'en fais pas. Elle me connaît. Et elle est intelligente.
Six semaines après le lieutenant P... est appelé aux colis. Il en revient la mine tout épanouie et émue : Ça y est, les gars ! Elle est là ma bouteille, ma fifille ! Et, tu vois, ma femme a eu la bonne idée de mettre une croix sur l'étiquette, alors Adolphe n'a même pas osé l'ouvrir mon eau bénite ! Immédiatement, on bat le rappel des dix camarades de chambre, on rassemble tous les gobelets et, religieusement, le lieutenant P. ouvre le flacon. Il en sert un fond de verre à chacun. Puis, il porte, le premier, le verre à ses lèvres, mais avant même que les autres aient eu le temps d'en faire autant; il blêmit, et, dans le plus total des découragements, il jette son gobelet sur la table : M... ! ça en est ! Les prochains colis apporteront de quoi s'évader pour de bon.
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